jeudi 17 avril 2008

L’essai de Kamel Rahmaoui, un Doctorant en sciences juridiques, sur le harcèlement moral au travail en Algérie publié par El Watan.

Une bonne nouvelle, l’ami. Un universitaire algérien qui écrit papier sur le harcèlement moral au travail et publié par le quotidien national El Watan. Ce ne est pas rien. Peut-être que ça va amener d’autres à s’intéresser à la question.
Le voici l’article

Le harcèlement moral au travail : Une violence perverse.

Aussi cruel et pervers que le harcèlement sexuel, le harcèlement moral au travail cause d’énormes ravages.
Cette violence, qui peut frapper tout employé sans distinction d’âge ni de sexe ni de grade, tend à prendre une ampleur inquiétante, encouragé sans doute par l’absence d’un cadre juridique adéquat en mesure de sanctionner sur le plan pénal le harceleur.

Le harcèlement moral, un ensemble d’agissements altérant la santé de l’employé
Souvent confondu, à tort d’ailleurs, avec le harcèlement sexuel, le harcèlement moral ou psychologique est une conduite abusive de la part d’un supérieur, qui par sa répétition et sa systématisation, porte atteinte à l’intégrité physique et morale du salarié, à sa dignité et est en mesure de compromettre gravement son avenir professionnel. Le harcèlement moral, objet de cet essai, est le harcèlement pratiqué par le chef qui cherche à éliminer son subalterne, ayant recours à divers procédés qui découlent d’une véritable stratégie, parmi lesquels nous citons :

- l’absence de toute forme de communication,
- les brimades et les remarques désobligeantes,
- privation du salarié de toute forme d’activité
- confier à l’employé des tâches ingrates ne correspondant pas ni à son grade, ni à ses compétences professionnelles,
- placer l’employer sous l’autorité directe d’un responsable choisi au préalable parmi les responsables les moins expérimentés, les moins compétents et les moins diplômés.

Ces procédés prouvent que le harcèlement moral est une véritable cabale qui vise à saper l’employé, l’atteindre dans sa dignité, briser son identité et le contraindre à démissionner. Abusant de ses prérogatives professionnelles et se cachant généralement d’une manière habile derrière un dysfonctionnement organisationnel, le harceleur n’hésite pas à visiter le bureau de sa victime durant son absence et à son insu, à espionner son ordinateur, ses communications téléphoniques, ses fréquentations, même hors service, et ne manquera pas de le dénigrer à chaque occasion, notamment lors des réunions de travail.

La mise dans un placard doré : La pire forme du harcèlement moral
Cependant, la pire forme du harcèlement moral demeure sans doute, celle de la mise dans un placard doré. Dans ce cas précis, le harcèlement moral prend une allure à la fois vicieuse et hypocrite, car il est mis à la disposition du harcelé --- souvent un cadre gênant --- un minimum de commodités de travail, mais il est déchargé de toute activité précise et de toute responsabilité, dans le but de l’empêcher d’avoir une influence quelconque au sein de l’entreprise ou de l’administration qui l’emploie.
Dans certains cas, le harceleur interdit à l’ensemble du personnel, sous peine de représailles disciplinaires, de fréquenter le harcelé ou de lui adresser la parole, même en dehors du service. Cette méthode barbare vise à isoler le harcelé --- souvent un cadre résistant de forte personnalité --- à le confiner dans une grande solitude, ce qui augmente ses souffrances et facilite son anéantissement.
Plus mesquins sont certains procédés utilisés par les harceleurs et qui consistent à interdire aux agents chargés de la logistique, d’entretenir le bureau du harcelé ou d’instruire les agents chargés de l’accueil d’informer toute personne de l’extérieur désirant rendre visite au harcelé, que le ce dernier est absent pour toute la journée, et si tous ces procédés n’arrivent pas à faire capituler le harcelé, on s’arrange, avec la complicité de la hiérarchie à le priver de toute promotion, pour mieux l’humilier. Les traumatismes subis par le harcelé sont très graves et peuvent conduire à la folie ou au suicide même.
En effet, détruit psychiquement, le harcelé redoute le sommeil car ses rêves sont peuplés par toutes les scènes du harcèlement, ce qui explique son recours aux congés de maladie, à la désertion de toute activité professionnelle et sa prédisposition à commettre l’irréparable.
Il ne faut pas perdre de vue que le harcelé n’a pas failli à ses obligations professionnelles. Raison pour la quelle d’ailleurs, il n’arrive pas à trouver des explications plausibles aux actes de son tortionnaire. Il est seulement victime de ses compétences, de ses diplômes, de son origine sociale, de ses points de vue ou parfois même de son look.
Les harcelés sont souvent forts de personnalité et résistent aux supérieurs.
Les harceleurs par contre, souffrent de troubles sérieux de la personnalité et mettent de ce fait en péril les intérêts de l’entreprise ou de l’administration.
Ce n’est donc pas par hasard que sous d’autres cieux certains emplois de responsabilité --- notamment dans les grandes entreprises --- ne sont attribués qu’après avoir fait subir aux intéressés des examens médicaux très poussés où la psychologie prend une part importante. Ailleurs, se faire examiner par un psychologue ou même un psychiatre n’est pas une honte, mais un acte médical banal de prévention, mais qui peut révéler bien des surprises.

L’absence d’un cadre juridique adéquat
Du point de vue juridique,si la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail reconnaît au salarié le droit à l’intégrité physique et morale ( art.6), elle ne mentionne cependant pas d’une manière expresse le harcèlement moral, de même d’ailleurs que l’ordonnance n° 06-03 du 15 juillet 2006 portant statut général de la fonction publique (at. 37).
Le droit pénal algérien quant à lui, ignore complètement cette violence. Cependant il convient de signaler que la loi n°06-01 du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption oblige l’employeur à faire en sorte que la carrière du salarié ou du fonctionnaire soit gérée selon les principes de transparence, de mérite, d’équité et d’aptitude (art.3).
Rien ne s’oppose cependant à ce que la victime demande réparation du préjudice subi en se référant à l’article 1234 du code civil, car, contrairement aux idées reçues, il est aisé de prouver l’existence du harcèlement moral. Le harcelé, en plus du dossier médical délivré par un médecin spécialiste, doit joindre à sa requête tout document prouvant que la hiérarchie a été saisie des dépassements et des abus du supérieur hiérarchique.
Le rapprochement des dates (dossier médical et correspondances adressées à la hiérarchie) prouveront au juge qu’il existe bel et bien une relation entre la maladie de la victime et les faits dont elle s’était déjà plainte à la hiérarchie. Les témoignages du personnel constituent aussi des preuves irréfutables. Cependant la crainte des représailles du chef pousse souvent les témoins à abandonner le harcelé, notamment s’ils sont au courant que le harcèlement est béni par la tutelle.

Des conséquences néfastes pour l’entreprise et la sécurité sociale
Les congés de maladie, souvent de longue durée, sont évidemment pris en charge par la sécurité sociale, mais le harcèlement moral contribue aussi à la dégradation des relations de travail et crée au sein de l’entreprise ou de l’administration un climat de travail malsain qui se répercute à son tour sur le production. Les agissements du harceleur doivent être réprimés sévèrement sur le plan pénal, il est inadmissible que des gestionnaires abusent de leurs prérogatives professionnelles sans être punis. Ailleurs, le harcèlement moral est non seulement puni par le droit pénal, mais il est considéré aussi comme un accident de travail.

L’auteur est Doctorant en sciences juridiques Algérie Telecoms. UOT Annaba
Kamel Rahmaoui
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